Retour sur le projet de LPM 2024-2030

Une industrie mobilisée pour répondre aux besoins de la Nation, des points d’attention pour éviter des décalages.

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Appréciation sur les programmes d’équipements.

L’effort de la Nation est considérable avec 400/413 Md€ jusqu’en 2030.

Une forme de continuité et de stabilité par rapport à la LPM actuelle 2018-2025, puisque les 3 premières années reconduisent une marche à 3 Md€ par an. Mais le contexte est différent, le champ d’application plus large avec l’évolution des menaces, des champs de conflictualité et aussi les aspects économiques différents (inflation, coût des matières premières, Ukraine…). Elle nous engage donc dans sa réussite. Celle-ci dépendra de la déclinaison qui en sera faite année après année. Les premiers arbitrages font craindre des reports de programmes voire des réductions de cibles.

Pour les programmes structurants pour la survie de la BITD, SN3G et PA NG, et comme le GICAN l’indiquait depuis 2022, le respect du calendrier initial et des jalons est salué dans ce projet.

Pour la flotte de surface, et avec la présentation des objectifs à l’horizon de 2030 puis avec l’indication du format 2035, des points d’attention ou de clarification devront apparaître, comme par exemple :

  • La capacité de combat réelle des plateformes directement dérivée du niveau et du type d’équipements embarqués.
  • Le niveau de « modernisation » qui sera consenti aux 2 FDA de type Horizon qui sont prévues faire partie des frégates de premier rang au-delà de 2035 ainsi que pour l’ATM3 du CDG.
  • La visibilité pour les industriels autour du programme des Patrouilleurs Hauturiers (PH) avec une cible à préciser entre 7 et 10 unités en termes contractuels
  • La cadence de production des « corvettes » et leurs caractéristiques prévues (dont l’hypothèse d’un programme en coopération européenne) en remplacement des Frégates de Surveillance (FS) pour les forces de souveraineté avec une première livraison en 2030 et un rythme très ambitieux d’en posséder 6 avant 2035
  • Le lancement du PEM « EVOL frégates » dont certaines rumeurs suggèrent le décalage dans le temps.

Pour la guerre des mines, il s’agit d’une révolution capacitaire mais dont l’ambition ne doit pas souffrir de retard car la cible capacitaire 2030 peut paraître en recul par rapport aux moyens d’aujourd’hui, qui sont par ailleurs beaucoup plus matures. Le défi technologique est majeur et mérite une attention particulière.

Pour la maîtrise des fonds marins, le GICAN salue la constitution d’une telle capacité à l’horizon 2030 et invite à considérer le besoin de faire confiance à l’industrie nationale pour ces innovations nécessaires et ne pas se contenter d’utiliser de produits sur étagère issus de pays tiers.

Enfin, sur la partie relative aux « efforts prioritaires pour les armées du futur » -paragraphe 2.2.3 du rapport annexé à partir de la page 107, le GICAN s’interroge sur le découpage de ces priorités, et surtout leur point d’application. Lesquelles concernent le secteur naval et quelle est la répartition ?

Pour l’innovation, par exemple, que recouvrent ces 10 Md€ ? Comment est associée l’industrie quant au recours aux technologies duales et à l’innovation de rupture. Quelle part est consacrée aux technologies sous-marines ?

Pour les drones et robots (5 Md€), il est compliqué de comprendre cet agrégat entre MTO (munitions téléopérées), guerre des mines et maîtrise des fonds marins, pour ne citer que quelques technologies mises en exergue.

Pour les 5 Md€ de la défense sol-air, la coopération européenne sur les réponses aux menaces hypersoniques a du sens, mais le combat collaboratif n’est pas cité explicitement alors que, de notre point de vue, une vraie démarche programmatique serait utile. D’autre part, le délai dans le renouvellement du segment naval de missiles de très courte portée au-delà de 2035 mérite d’être expliqué.

Derrière le chiffre impressionnant de 13Md€ pour la souveraineté outre-mer, qui contient des opportunités industrielles sectorielles indéniables, la part consacrée à la surveillance maritime par de nouveaux capteurs, au volet naval et aux infrastructures portuaires pour l’entretien sur place pourra être précisée dès que possible. Un lien entre la LPM et les autres projets de loi dont l’industrie verte doivent par ailleurs être envisagé pour permettre par exemple le développement des infrastructures permettant de maintenir entre autres les navires de la marine nationale dans ces territoires.

Enfin, 2 Md€ sont prévus pour les forces spéciales, le GICAN sera attentif au volet concernant les véhicules marins et sous-marins, qui sont porteurs de supériorité capacitaire.

Décalages de programmes justifiés par la capacité insuffisante de certains industriels ?

Nous n’avons pas trace de cette justification dans le projet de LPM présenté au Parlement.
L’industrie est en mesure de répondre aux besoins de la Nation.
Notre industrie est celle du temps long. Si l’anticipation et les contrats sont décidés suffisamment tôt, ce qui est une préoccupation du ministère des Armées et la DGA, cela évite d’arriver à des goulets d’étranglement en production.
L’industrie sait faire évoluer sa cadence de production sans à-coups dès lors que l’Etat lui permet d’anticiper. Par exemple, NAVAL GROUP Lorient est en mesure de produire une frégate de premier rang tous les 6 mois et des corvettes avec une fréquence un peu supérieure. Les Chantiers de l’Atlantique sont capables d’augmenter la cadence d’assemblage de tronçons…
S’il faut construire des infrastructures de production supplémentaires (bassins, plateformes d’intégration, lignes de production,…), l’investissement dans ces infrastructures et dans le recrutement des compétences, doit faire l’objet d’une véritable politique associant le secteur privé (banques, organes de financement privés) et public (collectivités dans lesquelles sont implantées les infras, Etat, agences de développement, organismes de formation…).

Régime des réquisitions

Nous souscrivons au besoin de moderniser les dispositions dans ce domaine face aux différents périls.
L’impact économique sur les entreprises doit être pris en considération. Le travail autour du volet concernant la modernisation de la notion de flotte stratégique doit se poursuivre (développement d’une flotte du pavillon et stimulation de la construction navale civile nationale).

Position sur la faculté pour les autorités d’ordonner aux entreprises de défense la constitution d’un « stock minimal de matières ou composants d’intérêt stratégique » et sur le dispositif de « priorisation » créé par l’article 24 de la LPM.

L’industrie doit se tenir prête pour accélérer la cadence de production. Les conditions contractuelles et d’indemnisation devront être encadrées avec le souci de la performance économique. Les garanties que peuvent offrir l’Etat, les exigences relevant du secteur industriel amont (secteur minier, rôle de l’OFREMI) et la contribution du secteur logistique/transport pour le stockage et la délivrance devraient permettre une co-construction entre le secteur industriel et les autorités publiques sur cet enjeu.

La « priorisation » ne doit pas fragiliser nos entreprises duales qui rivalisent sur le secteur civil avec des groupes internationaux agressifs et que nous devons protéger (Alcatel-Lucent, Schneider Electric…). Le pragmatisme inspiré du « Defense Production Act US » pourrait se justifier.
Plus nous favorisons la réindustrialisation et la relocalisation de la production de composants et l’exploitation de matières premières, plus nous obtiendrons des marges de manœuvres dans ce domaine.

L’export

L’export est fondamental pour diminuer les risques pesant sur notre industrie.
Le SOUTEX de la marine nationale et de la DGA est indispensable et peut être encore amélioré.
Ce qui est sûr c’est que le décalage de certains programmes va entrainer le besoin de trouver des clients à l’export. Au-delà de la prise de risque, c’est tout le dispositif de soutien à l’export des armements qui devra être retravaillé pour être plus efficace. Il ne pourra se limiter à la DGA. C’est tout le dispositif export de l’Etat qui devra s’organiser pour être plus agressif sur les marchés internationaux (DGA, MAE, DGTRESOR, coopérants, autres organismes publics …), à l’instar de ce qui se fait dans d’autres pays comme le Royaume Uni par exemple qui a défini une stratégie de construction navale sur 30 ans avec un volet soutien export1 .
Les entreprises prennent des risques et investissent sur fonds propres (exemple du centre d’excellence des drones sous-marins de La Londe). Elles partagent cette conviction que, sans export, notre industrie ne pourra être viable et ne pourra garantir le développement de solutions souveraines au profit de notre pays.
Sur les contrats export en particulier la question posée est faut-il couvrir l’ensemble des risques avec des provisions pour risques avec le risque de voir le prix proposé supérieur à celui de la concurrence, qui elle va diminuer ses provisions mais sera plus agressive pour faire des avenants ? C’est l’héritage des programmes menés par la DGA qui souhaite que chaque programme soit dérisqué, contrairement aux anglo-saxons par exemple qui travaillent en cost+fee.

La coopération européenne

Le GICAN considère que les dispositifs de soutien (fonds européen de défense, coopérations structurées permanentes – PESCO, acquisitions conjointes, Horizon Europe…) font progresser la réalité d’une BITD européenne.
L’industrie navale est résolument portée vers une meilleure coopération en Europe, bilatérale et multilatérale.
Face à la concurrence extra européenne, c’est une voie pour conserver une industrie autonome et souveraine au profit des Etats-Membres.
En particulier pour le domaine naval, avec les briques technologiques des navires du futur, les systèmes semi-autonomes, la guerre des mines et le projet plus emblématique « European Patrol Corvette », à la fois PESCO et EDF.
L’enjeu pour une industrie du temps long est de passer au passage à la production « conjointe » sur certaines capacités après 2027, et l’investissement en R&D et développement stimulé par le fonds européen de défense avant cette date. C’est l’objet de l’EDIP (European Defense Investment Program) et des négociations sur le MFF (cadre financier pluriannuel) budget de l’UE à partir de 2027) qui devront conduire à une « préférence européenne » dans les acquisitions conjointes.

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